Rem-Brandt : "Epée de Feu"

1607-1669

autoportrait à la bouche ouverte à 20 ans

Saskia à la fenêtre

Pour écrire sur Rembrandt van Rhijn, il faut tremper plume dans l'or de l'ombre... connaître à fond la grande joie de vivre... repasser la dernière frontière comme la première : intact, insubmersible. Se diluer... se borner aussi...

nymphaea meteor Rembrandt

Dieu sait pourquoi R. nait dans un moulin à blé au bord du Rhin-ancien, à Leyde, à quelques jets de pierre des dunes de la mer du Nord. A gauche le polder, vert fluo velouté, paysage rationalisé, cartésien en diable, géométrique. Au loin, à l'horizon, un soudain rayon de soleil fait éclater l'orangé d'un toit de ferme, à demi caché par un bois de hêtres ; un chemin bordé de peupliers se perd parmi les canaux et le coin-coin des canards ; au sourd butissement du butor répondent les cris des barges, l'extase des alouettes, le gazouillis des chevaliers qui tous s'agitent dans les grasses herbes. Monde des hommes.

"A gauche le polder..."

l'alouettele vanneaule bargele butor "A droite les dunes..."

A droite les dunes. Des mouettes rasent sans se lasser ces blondes bosses en longues files indiennes. L'immense ivresse monotone des ondes marines... le balancement des graminées... le sable voluptueux, chaud, sur son corps nu, doux comme une caresse de femme tendre. Dans l'azur des flottilles de vapeur se dirigent en vaisseaux amiraux de l'ouest à l'est. Monde de Dieu...

A-t-on une idée de ce que peuvent susciter pour un poupon, un bambin, un petit garçon, un ado, la musique d'un moulin dansant autour de son axe ? Le moulin concentre toute la métaphysique : les quatre ailes tracent des cercles en l'air ...autour d'un moyeu qui, sans participer au mouvement, rend cependant celui-ci possible. Quadrature du cercle, jonction du dur et du mou, du ciel et de l'homme. Le peintre ne pouvait pas voir le jour ailleurs.

Milou aime bien les peintres

Sait-on assez que la lumière isse de l'ombre ? Il existe une nuit inférieure, triste et corrompue : on la laisse aux sucubes et aliens. Il existe surtout et avant tout une obscurité supérieure, antécédente à toute forme, couleur ou lumière, et c'est celle-ci que l'obstiné batave a libérée sur ses toiles. C'est la même obscurité qui a drapé de sa majesté le mont Sinaï, lorsque les enfants d'Israël, libérés du joug de servitude égyptien par l'Eternel lui-même, ont reçu les tables de la Loi.

Pourquoi donc ce fils du Rhin est-il le plus hébraïque de tous les peintres ? Rembrandt vient de Regibrand, "épée de feu", un vieux nom franc. Or voici ce que racontent les érudits hébreux. Losqu'en 721 avant J.-C. le royaume d'Israël est détruit par les Assyréens, ce qui restait de la tribu de Ruben, le fils aîné de Jacob, fut déplacé à l'est de la mer Caspienne, où vivaient les Sicambres (aïeux de Clovis), avant la migration de ceux-ci vers les rivages de l'ouest européen. Il y eut alors bien sûr Cupidon, des mariages ont été contractés ; beaucoup plus tard les Sicambres se mélangèrent en Hollande avec les Francs saliens.

le lit à la française - 1646

Un fil judéen ténu court-il dans le Jourdain, le Tigre et l'Euphrate, le Danube, la Meuse et le Rhin à travers les siècles de l'histoire ? Une graine de cette filiation secrète s'est-elle déposée dans le berceau de l'enfant prodigieux ? Elle expliquerait la profondeur panhistorique du peintre... son goût grandiose pour le faste oriental, ses temples et vastes palais... les conjurations avec épées tirées des borgnes chefs bataves... mais aussi et surtout la piété du petit peuple de la Palestine biblique, au milieu duquel il vivait la plénitude. Elle lui donne chaque jour la fermeté dans la main, la puissance conceptuelle dans la tête, le sens infaillible de la hiérarchie des valeurs dans le coeur.

autoportrait, 1658

Thèse farfelue ? Peut-être. Mais qui sait ? Les sages d'Israël ne se trompent pas dans leur généalogie. Cette secrète appartenance expliquerait le Festin du Babylonéen Balthasar... le Temple revisité de Jerusalem... l'identification christique permanente, bouillonnante... la conjuration épée tirée de Claudius le borgne Batave... Tigre et Euphrate, Jourdain, Danube, Meuse et Rhin... cela donne Maître Rembrandt van Rhijn.

autoportrait de 1662

Rembrandt meurt-il abandonné, triste, amer ? Mais non. Il pousse son dernier soupir en rigolant. Le temps d'épuiser le nombre de ses jours, il a tenu (il le savait !) les pinceaux de l'éternel himself tel que celui-ci aime à être vu et compris. Il a peint l'ombre qui donne la grande joie de vivre... la satisfaction intérieure de l'oeuvre accomplie... malice... adresse... masque... liberté.

MN

Femme qui pisse - 1631

Femme et enfant au lit

tulipes-Rembrandt