Sunday, November 26, 2006

Théophile de Viau
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1590-1626
Poète baroque français. Redécouvert par Théophile Gautier et Baudelaire. Génial, drôle, fin, irrésistible. Contemporain de Shakespeare. A été pendant un temps étudiant à la fac de Leyde pour faire plaisir à son père. Coureur, bretteur, né au pays des mousquetaires. De loin le meilleur poète de sa génération, bien plus vif et lu que Malherbe. En face de 16 éditions de Malherbe imprimées au XVIIième siècle on compte 93 éditions pour "le fameux Théophile ". Celui-ci, quoique né de bonne noblesse agenaise, ne se sent à l'aise qu'avec des gens de sac et de cordes. A Leyde le bouillant gascon passe son temps dans les tavernes entabagées au milieu de trognes tireurs de couteau, du soldatesque démobilisé, des catins, conasses et prostiputes.
Au cours de ses ribotes, le beau frenchy a très bien pu manger du pain chaud dont la farine venait du moulin du père de Rembrandt, situé pas loin de son logis, au bord du Rhin-ancien. Le génial rapin batave y naît en 1606, quelques années avant que Théo ne s'inscrive à la fac de droit.
Quand Théophile arrive dans la bonne ville de Leyde, attiré par la réputation de son Université, la prospérité générale des Pays-Bas et la tolérance particulière de leurs moeurs, il écrit ces amusants vers fanfarons :
Il est arrivé dans la ville
un personnage fort utile
expressément pour le dédit
il a quinze pouces de vit
et fait neuf coups sans déconner
et six après sans s'étonner
Pourtant s'il y a damoiselle
jeune femme, fille ou pucelle
qui aye besoin d'un tel vit
qu'elles mettent leur nom en écrit
le lieu, la rue et la demeure,
le personnage ira à l'heure,
et s'il ne fait tout ce qu'il dit
il veut qu'on lui coupe le vit
Ce Théophile donc est un libertin - il déteste la Pensée unique qui plombe son temps. L'ordre de Richelieu règne. Les bondieuseries abondent. La centralisation - en réalité une domestication toujours plus outrée - pénètre toujours davantage les rouages de l'Etat. Officiellement la religion occupe la première place ...sans que pour autant l'existence de Dieu soit encore comprise ou traduite en grandeur et noblesse véritables. Et ça, le poète, qui aime la pureté du verbe et déteste entendre les faussetés, ça le poète le sent, il en souffre et le dénonce, c'est bien là son rôle ! De la légèreté avant tout ! Un ton lège, fluide, volant en abeille :
les zéphirs se donnent aux flots
les flots se donnent à la lune
les navires aux matelots
les matelots à la fortune
Théophile s'enfuit donc de chez lui, rejoint une troupe de comédiens errant sur les routes européennes. Avec Guez de Balzac, autre grand écumeur de paradis sensuels, ils finissent à 20 ans leur route commune en Batavie.
Nous avons des yeux et des mains
les Dieux ne sont que des nuages
et quand ils veulent des visages
ils en empruntent des humains
Le sot glisse sur les plaisirs
mais le sage y demeure ferme
en attendant que ses désirs
ou ces jours finissent leur terme
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Il disait : "le plaisir des vers dans la fureur d'amour"
et
"j'ai le feu dans les os et l'âme déchirée"


d'après Pablo P.

Théo, qui porte le nom de Dieu, est donc en lutte ouverte avec son temps. C'est une âme née-noble, il ne supporte pas l'absence de libre esprit, l'esprit qui ne juge pas et qui souffle où il veut, quand il veut et surtout comme il veut. Dans cette France déjà largement déchristianisée, Dieu, après trois siècles d'humanisme victorieux, Dieu est devenu un anonyme, mort et pas même enterré, au mieux une idéologie pour illusionner le vulgaire et les benêts. Abondance d'argent est devenue le seul horizon, l'unique code de comportement dans le troupeau. Richelieu s'amène et cherche par tout moyen à augmenter le stock monétaire du Royaume. Colbert pointe le bout du nez. Standardisation, uniformisation, réglementation, mécanisation, normalisation, systématisation, rationalisation et "modernisation" se répandent comme une herse plus vite que ne poussent les bras de la Méduse. Dans ce climat de mercantilisme abscons et violent, l'étreinte elle-même, d'acte cosmique qu'elle était, impliquant directement le Très-Haut, l'étreinte est devenue une mécanique, une méthode de plaisir (Discours de la Méthode : 1637). On est bien à l'époque de la grande culpabilisation de la chair, après le naturel du moyen âge. Bien évidemment, corollaire oblige, le langage lui aussi descend d'un cran.

Comparez l'accent encore émerveillé d'un Ronsard :

ô petit trou, trou mignon, trou velu
d'un poil follet mollement crespelu


à ces vers de Théo

mes couilles, quand mon vit se dresse
gros comme un membre de mulet
plaisent aux doigts de ma maîtresse
plus que deux graines de chapelet


et ravi, lisez de la main de son pote poète François Maynard, autre hardi noceur et compagnon-ès-beuveries, ces vers charmants :

si votre doigt savait pisser
avec ce qu'il sait déjà faire
belle Phylis, c'est chose claire
qu'on le pourrait faire passer
pour quelque chose qu'il faut taire

pour avoir, comme vous avez
une main si blanche si nette
comment diable est-ce que vous faites
car le trou où vous la lavez
est une étrange savonette ?
zoom sur Maynard
Du même encore :
Jeanne, dont les yeux m'ont vaincu, cesse de rougir et de craindre :
le feu d'amour brûle ton cul et mon vit a de quoi l'éteindre
Il faut donner dans le plaisir, tu n'auras que trop de loisir
de faire la prude et la chaste.
Les ans raviront tes appas et ton con deviendra si vaste
que les mulets n'en voudront pas...
C'est le passage de l'érotisme à la licence, à la crudité, à la pornographie. Un certain équilibre dans le discours amoureux est bel et bien rompu.

Le poète gascon bon vivant, trop vivant, en son temps appelé "le premier prince des poètes, l'Apollon de notre âge, le grand poète de la France, le roi de l'esprit" est accusé par le parti dévot de blasphémie, de sodomie etc., rengaine connue. Il est condamné à être brûlé vif (sublime époque où les poètes peuvent être brûlés encore :
la poésie y joue au moins son premier rôle, le poète est pris au sérieux...). Notre héros sacrificiel est conduit entre six gendarmes à la Conciergerie, dans la cachot de l'assassin du roi Henri IV, Ravaillac. Cependant le tout Paris intelligent se lève pour lui.
Dans l'histoire de la République des Lettres, cette mobilisation des intellectuels parisiens pour défendre un confrère menacé par les Princes est une première, suivie par bien d'autres...


Révision donc du procès. Cette fois-ci il sauvera sa peau, mais il est condamné au banissement à perpétuité. Son effigie est brûlée quand même sur la place publique. Les dévots jubilent. Il meurt, brisé par la bêtise, peu de temps après. Théo le héros a payé de sa personne.
De Viau... De Vier ?
"Un gros abbé se laissait en sa couche
tâter le vier aux mains d'une nonnain
mais son engin demeurait sous sa main
sans se mouvoir tout ainsi qu'une souche.
Cette nonnain qui n'avait pas de trève
voyant son vit demeurer ainsi plat
lui dit : Monsieur dites Magnificat
quand on le dit tout le monde se lève"
Attribué à Théophile



MN
voor nederlandstaligen : "DBNL Martinus Nijhoff, Verzameld werk II, kritisch en verhalend", artikel over Théophile de Viau van M. Nijhoff ; google https://www.dbnl.org/tekst/nijh004verz02_01/nijh004verz02_01_0126.php
zoom sur Leyde


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